Un acheteur immobilier avec un masque

Mieux comprendre les besoins des acheteurs pour relancer le marché immobilier au Maroc

L’immobilier est l’un des secteurs les plus impactés par la crise sanitaire liée à la pandémie du coronavirus. Analyse de William Simoncelli, directeur général de l’agence immobilière Carré Immobilier.

L’Observateur du Maroc et d’Afrique : Quel impact de la Covid-19 sur le secteur de l’immobilier résidentiel et d’entreprise au Maroc ?

Pour définir l’effet de cette crise sanitaire, je pense à deux mots puissants « brusque » et « brutal ». Brusque car dès le mois de mars, de nombreuses entreprises ont décidé par mesure prudencielle et elles ont eu raison, de mettre leurs employés en télétravail. Brutal car nous avons vécu en moins d’une semaine, un arrêt net de la quasi totalité de nos activités. Cette pandémie a engendré une chute de plus de 80% de notre travail. Voir nos clients, aller sur les sites immobiliers ou encore réaliser des visites, cela c’est compliqué voir est devenu impossible. Il faut voir que nos activités repose surtout sur le contact physique régulier, avec nos clients, nos collaborateurs ou partenaires, mais aussi tous les participants de la chaine de création de valeur de notre domaine d’activité, tels les notaires, les avocats, les administrations…

Le digital peut-il amortir l’impact de la pandémie du coronavirus au Maroc, notamment dans l’immobilier ?

En tant qu’expert proptech de la French Tech Casablanca, je pense que ce que nous vivons aura un effet d’accélérateur pour la transformation digitale de notre secteur d’activité l’immobilier. Comme de nombreuses entreprises, nous avons rapidement réagi en mettant nos équipes en sureté, en télétravail, permettant ainsi une distanciation sociale nécessaire et obligatoire. Pour palier les effets négatifs de cette distanciation physique, nous avons opté pour des outils digitaux tels la visio-conférence ou les visites virtuelles dans le but de maintenir une continuité de nos services. Toutefois, ces outils digitaux ne se sont pas révélés comme étant une alternative suffisante à la réalisation de nos travaux. Car, après quelques semaines, nous avons constatons leurs limites. Finalement, ce moment nous a permis de comprendre que ces outils digitaux doivent accompagner l’évolution de nos métiers sans pour autant remplacer leurs fondamentaux.

Quelles prévisions pour ce mois de mars et avril? Et que retenir de cette crise pour le secteur ?

Tenter de chiffrer dès maintenant l’impact de cette crise sur notre marché est probablement trop tôt, surtout en l’absence de transactions. Néanmoins, les prédictions sont confuses et mitigées. Probablement qu’à la sortie de cette crise sanitaire, les acheteurs reportent leurs achats ou révisent leurs budgets d’acquisition du fait d’une baisse de leur capacité d’endettement ou de leur pouvoir d’achat. Ma crainte est que l’immobilier ne soit plus une priorité pour de nombreux acquéreurs. Cela nourrit une grande inquiétude, le risque d’un ralentissement des rythmes de vente puis une tension sur les valeurs immobilières. Le moment est venu pour notre domaine d’activité de changer de paradigme et de réviser son logiciel pour espérer des jours meilleurs. La demande est certaine, environ 2 millions de logements sur le Maroc, mais en avons saisi le besoin ? Depuis plus de dix ans, nous parlons du problème de l’inadéquation offre demande mais sans la prendre en considération. Notre capacité à comprendre les besoins des futurs acheteurs est le gage de succès de la reprise du marché immobilier.

Quels scenarios considérés dans l’après crise ?

Etant toujours confiné et à ce stade de la crise sanitaire, tout semple possible. Par ailleurs, les différents types (appartement, bureau…), standing d’immobilier (social, économique, moyen standing, haut standing, luxe) et localisation (Casablanca, Rabat, Marrakech, Tanger, Agadir, Fès, Meknès, Oujda, centre ville, périphérie de ville ou banlieue) ont des réactions différenciées. Toutefois, en m’appuyant sur les grandes tendances, je pense que dans le cadre de l’immobilier d’entreprise, la probabilité d’un scénario en V en assez envisageable, c’est-à-dire une baisse nette puis une vive remontée en relation avec un redémarrage économique. Par contre, pour l’immobilier d’habitation, l’offre pléthorique, souvent inadaptée, aura un impact surement négatif et me laisse envisager un scénario en L, soit une forte baisse suivi d’un maintient à un niveau plus faible d’avant la crise. Pour conclure, nous traversons cette pandémie du Covid-19 de la meilleure des façons et nous devons tous oeuvrer pour permettre à notre marché de retrouver ses lettres de noblesse.

Source : L’Observateur du Maroc et d’Afrique